Portrait de la première femme journaliste du Sénégal

Annette Mbaye d’Erneville a été tour à tour enseignante, poète, journaliste, directrice des programmes de Radio Sénégal. La fille de Sokone été notamment reporter pour le magazine français « Elle », fondé en 1945 par Hélène Lazareff et Marcelle Auclair.

Fille de la période coloniale, Annette Mbaye d’Erneville est née en 1926 à Sokone au centre du Sénégal. Elle connut une enfance et une jeunesse épanouies comme elle le raconte dans les colonnes du journal « Le Forum des poètes ». « Jeunesse heureuse à Sokone ! Adolescence avec une éducation choisie et entourée d’affection à Saint-Louis ! Formation professionnelle et citoyenne à Rufisque ». La voie était ainsi balisée pour être une femme forte de caractère doublée d’une grande féministe, quand bien même, elle ne s’accommode pas du mot. Annette Mbaye qui dit avoir appris à lire le français à un âge avancé, a baigné dans la chaleur saint-louisienne où elle a aussi appris aussi à parler un wolof correct. « A 9 ans, je ne parlais pas un seul mot de français. Donc mes tantes m’apprenaient à lire à la maison. C’est dans ce milieu rural de Saint-Louis que j’ai appris à parler ce wolof-là », raconte-t-elle dans « En Sol majeur ». Annette est la fille de Victor Hypo d’Erneville et de Marie-Pierre Turpin, tous deux issus d’anciennes familles métisses. Après ses études primaires à l’Ecole St Joseph de Cluny à Saint-Louis du Sénégal, Annette Mbaye intègre l’Ecole normale de Rufisque, « sous l’influence avant-gardiste de Germaine Le Goff », sa mère spirituelle. Sortie de l’Ecole normale de Rufisque, Annette se rend en 1947 à Paris pour poursuivre ses études. Là-bas, elle se frotte au milieu intellectuel des années 1950 et côtoie tous ceux qui bâtiront les indépendances des pays africains. Ancienne membre de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF), Annette Mbaye a côtoyé des intellectuels tels que Senghor,Montand, Signoret, Jean-Paul Sartre.

En terre française, Mademoiselle d’Erneville découvre, stupéfaite, que les femmes blanches balaient aussi les rues, servent à boire dans les cafés. Elle rend également compte qu’il existe des Blancs qui ne sont pas racistes. Fascination normale étant donné qu’à l’époque de la colonisation, le Blanc était surestimé alors que le Noir, oppressé, entretenait des complexes d’infériorité. Dans ce foisonnement intellectuel de ces lointaines années, elle découvre « l’Afrique hors de l’Afrique ». La jeune étudiante termine ses études avec un diplôme de journaliste radio. Femme journaliste, ce fut une grande première dans l’histoire du Sénégal. Et en cela, Annette Mbaye avait ouvert la voie à ses sœurs. Après ses études, pressentant l’imminence des indépendances, la jeune demoiselle prend le chemin du retour. Elle va donc rentrer au Sénégal en 1950 parce que se sentant concernée par le développement de son pays. Jeune journaliste, elle intègre ce qui est devenu aujourd’hui la RTS (radiotélévision sénégalaise). Quelques années après, Annette innove dans le milieu de la presse. Elle fonde, en 1959, le premier magazine féminin du Sénégal, « Femmes de Soleil » qui sera plus tard rebaptisé « Awa » en 1963. Tata Annette a aussi collaboré à de nombreuses publications. Malgré son éducation un peu « Vieille France », Tata Annette avait un attachement singulier pour la terre de ses ancêtres et pour sa culture sérère. Ce qui explique qu’elle n’eût pas besoin de s’incruster au pays de Louis XIV, même si elle porte une part de sang occidental. Annette a plutôt su faire une conciliation des deux cultures sans qu’elle ne se retrouve dans une sorte de dualité. « J’aime bien Samba Diabaré Samb, j’aime bien Youssou Ndour, mais j’aime aussi Charles Aznavour, Yves Montand. Je ne peux pas dire que c’est une dualité. C’est une espèce de symbiose », dit-elle dans l’extrait du film « Mère-bi » que lui a consacré son fils William Mbaye d’Erneville

FEMINISTE MALGRE MOI : « Je ne me sens pas féministe » Première femme journaliste du Sénégal, elle fut militante de la première heure de la cause de l’émancipation des femmes de son pays. Féministe dans l’âme, elle refuse cependant ce mot qu’elle trouve quelque « peu ségrégationniste ». « Moi, je n’aime pas ce mot. Je ne me sens pas féministe, c’est-à-dire combattante de… (Elle femme coup de poing et serre le visage).

Facebook
Twitter
LinkedIn
WhatsApp
Telegram
Email

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Sur Facebook

Météo

Articles les plus commentés

Newsletter BurkinaWeb

Abonnez vous à notre newsletter pour ne rien rater de l'actualité.